« Dix sept ans » de Ji Cheng : un premier film plein de promesses
Festival du cinéma chinois de Paris : dimanche 27 septembre 2009
« Dix sept ans » est le premier film dun réalisateur de vingt sept ans aujourdhui, mais qui nen avait que vingt cinq quand il la tourné, frais émoulu de linstitut du cinéma de Pékin : Ji Cheng (姬诚).
Cest dabord lhistoire dune crise dadolescence, qui débouche, comme souvent, sur la perte de certaines illusions et idées fausses. Cest aussi lhistoire des relations difficiles entre un fils et sa mère, sur fond dabsence du père, quil faut une crise pour débloquer. Le film dégage une émotion subtile, contenue, dont il faut bien sûr féliciter le metteur en scène, mais pas seulement lui.
Il sétait au départ assuré de deux atouts essentiels qui expliquent une grande partie de la réussite du film. Lun est le cadre naturel quil sest choisi, dune beauté à couper le souffle et qui sort des sentiers battus : pour une fois nous échappons au Yunnan ou au Sichuan, nous sommes ici dans le sud-ouest du Zhejiang, dans le pays de la minorité She (畲族) ; mais le film glisse avec grâce sur les effets de pur exotisme pour se concentrer sur la simple beauté plastique de lendroit, lautre élément important tenant au caractère isolé de ce coin perdu difficile daccès : cela renforce le sentiment denfermement et de coupure du monde qui mine le jeune Shi Qi (十七, car cest son nom qui donne son titre au film : il est né le dix-sept du premier mois du calendrier lunaire) ; il le ressent comme un choix qui lui a été imposé et cela le pousse à se révolter contre sa mère.
Lautre atout essentiel est bien sûr lactrice principal, qui nest autre que Joan Chen, ou Chen Chong (陈冲) comme on voudra (1). On lattendait, en paysanne She, un peu incrédule. Elle arrive avec sa grâce habituelle, on dirait quelle présente la première collection dun jeune styliste qui aurait pris pour thème les costumes traditionnels She, on a même la version avec et sans ceinture. Elle marche sur les chemins de montagne avec une légèreté aérienne, et quand elle mouille ses chaussures, elle a lair désolé dune ballerine qui aurait trempé ses chaussons.
Surtout, quon ne prenne pas cela pour une critique, cela doit être ainsi : le film nest pas sensé être réaliste, cest une métaphore, et la métaphore suprême, justement, dans ce film, cest Joan Chen. Jia Zhangke en a fait le symbole dune génération, dans « 24 City » (2), Ang Lee le symbole de la Shanghaïenne, dans « Lust.Caution » (3), Ji Cheng, lui, lélève au symbole de la mère, celle que tous les Chinois voudraient avoir, et lui, Ji Cheng, certainement, le premier ; on dit que, pendant le tournage, il a fini par lappeler « maman Chong » (冲妈). Alors sa caméra saisit avec soin ses moindres gestes, lexpression changeante de son visage, de son regard, et lorsque, à la fin, mère et fils sont assis côte à côte sur le bord de la route, réconciliés et heureux, on sent lâme du jeune Ji Cheng planer sur eux deux.
La beauté du paysage répond à la beauté de lactrice. Cela crée une sorte denvoûtement qui fait oublier les faiblesses du scénario. On se dit que Ji Cheng a de beaux jours devant lui, mais quil aura du mal à retrouver la grâce de ce premier film.
(1) Signalons cependant que les autres acteurs sont très bons, en particulier Yao Anlian (姚安濂)dont personne ne parle, sans doute parce quil a quand même un rôle secondaire ; on la vu récemment dans « The red awn » de Cai Zhangcun et il y a quatre ans dans « Shanghai dreams » de Wang Xiaoshuai, et on voudrait le voir plus souvent.
(3) http://cinemachinois.unblog.fr/2008/01/18/lustcaution-le-film/