Vu à Shanghai – parmi les séries télé : « Xiangcun aiqing 2 »

Publié le par brigitteduzan

《乡村爱情 2》 « Xiangcun aiqing 2 » est une série de 36 épisodes qui dépeint la vie dans un village chinois lambda ; c’est plutôt un village du Nord (l’histoire se passe en fait au Liaoning, dont le réalisateur est originaire), mais, à ce détail près, les personnages et les situations sont voulus comme typiques de la vie rurale en Chine aujourd’hui et des nouvelles tensions créées localement par le développement et la modernisation du pays.

 

L’histoire évolue autour de deux couples de personnages : l’un est constitué par une femme chef d’entreprise, 王小蒙 (Wang Xiaomeng), dont la fabrique de tofu est en pleine expansion, et le jeune homme qu’elle doit épouser, 谢永强 (Xie Yongqiang), qui possède, lui, un verger qu’il a toutes les peines du monde à entretenir, essentiellement par manque d’eau. Wang Xiaomeng  représente donc la réussite liée aux affaires, Xie Yongqiang les problèmes de la vie agricole ; on peut aisément imaginer les conflits personnels que peut engendrer ce genre de situation. L’autre couple est celui du chef de village, 任长贵 (Ren Changgui), et de sa petite amie. Ren Changgui est un personnage très actif qui, de manière caractéristique, recherche des investisseurs pour développer les activités du village.

 

Autour de ces quatre personnages centraux évolue une pléiade de parents, amis et nouveaux venus dans le village dont l’arrivée vient perturber les relations établies. Car l’intrigue est essentiellement fondée sur l’aspect sentimental des motivations des personnages dont même les décisions purement économiques peuvent être affectées par le danger de déstabilisation de leurs relations affectives. Le fait que les deux personnages principaux ne soient pas encore mariés est l’un des moteurs principaux de l’intrigue. En ce sens, le titre pourrait se traduire aussi bien par « l’amour au village » que par « l’amour du village » (ou de « son » village).

 

La peinture sociale a donc d’abord un côté très réaliste : la lutte acharnée de Xie Yongqiang pour trouver une source pour irriguer son verger, les pressions de Wang Xiaomeng pour qu’il cesse cette activité qu’elle juge dépassée et vouée à l’échec, et vienne plutôt travailler avec elle dans son entreprise, les efforts déployés par Ren Changgui pour attirer au village le magnat du Liaoning dans lequel il place tous ses espoirs - tout cet aspect socio-économique est très bien rendu.

 

Mais le film n’est pas un documentaire, et rajoute un côté fleur bleue à ce fond réaliste. Du coup, on passe les premières séquences à tenter de se souvenir des ramifications tentaculaires des relations entre les personnages, un peu comme quand on lit les vingt premières pages des « Cent années de la solitude ». Mais on est loin de García Marquez, plus près de « Veillées de chaumières », et c’est justement ce qui fait le succès de la série auprès du public télévisé chinois. Chacun y reconnaît au moins un voisin, un ami, un parent, s’identifie à l’action, et s’approprie le texte. En ce sens, c’est du grand art.

 

Le succès tient en grande partie au réalisateur, 赵本山 (Zhao Benshan), qui est à la fois devant et derrière la caméra. Sa présence crève l’écran ; c’est une idole en son genre. Né en 1958, dans un village du Nord du Liaoning, dans le district de Tieling, orphelin à six ans, il a été élevé par un oncle qui l’a formé aux traditions de la scène. Ayant attiré l’attention d’un célèbre artiste de xiangsheng (les fameux dialogues comiques chinois), il fit ses débuts en 1987 au Gala du Nouvel An de la télévision chinoise. Ces galas, les spectacles les plus diffusés et les plus populaires en Chine, assurèrent sa notoriété. Il tourna ensuite des sitcoms et a joué dans de nombreux films ces dernières années : collaborateur de Zhang Yimou depuis le peu connu « Keep cool » (1997) où il a un rôle marginal,  il est l’ouvrier licencié qui décide d’épouser une femme divorcée dans « Happy Times » (2000) ;  il est aussi le vieux Zhao qui décide de ramener de Shenzhen à Chongking le corps de son ami décédé dans « Getting Home » de Zhang Yang (2007)…

 

Interviewé, il déclare tourner pour le public chinois dont il se sent très proche et partage le langage et les préoccupations, se démarquant en particulier d’un Zhang Yimou dont le succès, à ses yeux, tient surtout au public étranger. Il signe ainsi une sorte de Comédie humaine chinoise qui fleure le terroir et la sauce au soja.

On reste quand même songeur devant l’aspect lisse et aseptisé de la série : pas l’ombre d’un problème de corruption, pas de paysan exproprié ou de bébé victime de lait contaminé. Les problèmes sont soigneusement passés au crible, c’est de l’anti-documentaire : sont valorisées les actions positives qui vont dans le sens du développement et de l’harmonie sociale, le courage et la ténacité étant récompensés in fine, tel Xie Yongqiang finissant par trouver une source… d’eau chaude. On notera que Zhao Benshan a représenté le Liaoning au Congrès du Peuple l’an dernier. En Chine, le cinéma reste du domaine de la communication politique. 

 

La série passe actuellement sur CCTV 3.

Site : http://space.tv.cctv.com/podcast/xiangcunaiqinger



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B
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