Et la série continue : aucun film chinois cette année au festival Paris Cinéma

Publié le par brigitteduzan

Les festivals de cinéma se suivent et, s’ils ne se ressemblent pas, depuis quelques temps ils ont au moins un point en commun : ils n’ont aucun film chinois ni au programme ni encore moins en compétition. Disette généralisée.

 

Le dernier en date, en France, est le festival Paris Cinéma, qui se déroule dans la capitale du 2 au 13 juillet : même pas un petit court métrage chinois à se mettre sous la dent. Et ce n’est pas la faute des organisateurs, mais bien celle du cinéma en question lui-même, ou plutôt des contraintes croissantes dont il pâtit depuis deux ou trois ans, et qui sont en train de l’étouffer peu à peu. N’émergent que quelques grosses productions « industrielles » : des films d’arts martiaux, des thrillers et remakes de thrillers, toutes les variations possibles imaginables sur des  thèmes historiques et classiques, et les suites feuilletonesques des films à succès des deux ou trois années écoulées.

 

Ainsi, après le succès de « Huapi » (《画皮》« La peau peinte ») (1), voilà qu’on nous annonce « Huabi » (《画壁》« Le mur peint »), toujours d’après Pu Songling et par le même Gordon Chan (陈嘉上; l’objectif est de faire un score tout aussi fantastique au box office, avec une sortie prévue pour le 29 septembre, soit la veille de la Fête nationale.

Bande annonce : http://video.sina.com.cn/p/ent/m/c/2011-07-05/232261404053.html

 

L’autre obsession est de concurrencer Hollywood. Ainsi, côté films d’animation, pour contrer « Kungfu Panda », voilà, en 3D, le super film d’animation chinois « Kungfu Rabbit », pardon « Legend of a Rabbit » (兔侠传奇), qui va sortir le 11 juillet (2).

Bande annonce :  http://movie.mtime.com/136798/trailer/32989.html

 

Tout cela à l’abri des quotas d’importations de films étrangers qui font du film anniversaire de la fondation du Parti un film incontournable si vous avez envie d’aller au cinéma en Chine : il n’y a pas grand-chose d’autre (à part l’excellent « A piano in the factory » (3), sorti le 30 juin, qui fait son petit bout de chemin dans le désert ambiant).

 

Ceci n’est bien sûr que la partie émergée de l’iceberg : on assiste au gauchissement et durcissement de la politique chinoise depuis quelques temps, avec une reprise en mains des médias et des organes pouvant traditionnellement servir à la diffusion de la propagande, dont, en première ligne, le cinéma.

 

Et si vous pensez que tout cela est passager et que les choses vont s’arranger, détrompez-vous, ce n’est pas pour tout de suite, il suffit pour s’en convaincre de lire le discours prononcé par le président Hu Jintao à l’occasion du 90ème anniversaire du Parti communiste chinois : un discours où prédominent les appels à la prudence, et se termine par l’une des exhortations favorites du président, rester calme et ne pas flanquer la pagaïe (不折).

 

On en trouve une remarquable analyse sur le site China Media Project de l’université de Hong Kong, où l’auteur montre que le discours témoigne d’une résurgence de la « pensée de Mao », symbolisée par la présence au centre de l’estrade d’un ancien dirigeant du Parti de 94 ans, Song Ping (宋平), dit le « roi de la gauche » (左王) (4).

Lire l’article en entier : http://cmp.hku.hk/2011/07/02/13543/

 

Les périodes d’ouverture ont toujours suivi un processus cyclique en Chine, alternant avec des périodes de durcissement idéologique se traduisant dans la pratique par un resserrement des contrôles et de la censure. Nous sommes dans une telle phase. Les conditions de création artistique sont donc difficiles et les œuvres créées assez décevantes, tout particulièrement dans le domaine cinématographique car elles y sont en outre victimes de ce que j’appellerais le « syndrome du cinéma industriel » doublé du « complexe de Hollywood ».

 

On doit d’autant plus apprécier le travail des cinéastes indépendants qui continuent de tourner contre vents et marées. Leur nombre s’amenuise de jour en jour.

 

Prochain article : Li Ruijun sur le tournage de son troisième film, au Gansu.

 

Notes :

(1) Ce que le film a de mieux, c’est son site : http://huapi.ent.sina.com.cn/

(cliquer sur entrer : 进入)

(2) Les combats ont été chorégraphiés par le maître de Tai Chi Jing Jianjun (景建). Mais les voix ont aussi été très étudiées, comme chez Walt Disney : ce sont celles de Fan Wei () et Yan Ni (闫妮). Fan Wei est un grand acteur comique, fidèle de Feng Xiaogang, mais aussi principal interprète du « Lucky Dog » de Zhang Meng – voir article du 5 décembre 2008. Quant à Yan Ni, on l’a vue récemment dans le film de Zhang Yimou, « A Simple Noodle Story » - voir article du 13 août 2010.

(3) Voir mon article du 14 mars 2011.

(4) Song Ping est ancien président de la Commission nationale de planification (1983-87) et ancien chef du département de l’Organisation centrale du Parti (1987-92).



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F
Le film de Sonthar Gyal avait pourtant été proposé aux organisateurs de Paris Cinéma et il n'a pas été retenu (info du réalisateur soi-même). Ce n'est pas toujours le manque de bons films mais plutôt une manque de sensibilité à un certain type de cinéma qui pourrait bloquer des films contemplatifs et sensibles comme celui de Sonthar Gyal.
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