« Nanjing ! Nanjing ! » (4) : quid des autres films annoncés sur le même sujet ?

Publié le par brigitteduzan

Depuis 2005, les films sur Nankin se sont multipliés. 2006, année du 75ème anniversaire du début de l’invasion de la Chine par le Japon (en septembre 1931), vit la sortie du « Procès de Tokyo » de Gao Qunshu, qui évoque, entre autres, le martyre de la ville (voir article du 22 février 2009).

 

La  « fièvre » de l’année 2007

 

Mais c’est surtout l’année 2007 qui fut une année chargée et délicate : c’était à la fois le 70ème anniversaire du massacre de Nankin et le 35ème anniversaire de la reprise des relations diplomatiques sino-japonaises (le 29 septembre 1972).

 

Sur le plan cinématographique, cette année vit fleurir les projets sur Nankin, non seulement en Chine, mais aussi à l’étranger puisque les Américains et les Allemands s’intéressaient à l’histoire de la « zone de sécurité internationale » et au rôle que les étrangers vivant à Nankin y avaient joué. Chacun cherchait en fait à faire sa propre « Liste de Schindler ». Cela donna, côté américain, un documentaire intitulé « Nanking » (en transcription anglaise). Il était financé par le président adjoint d’AOL, Ted Leonsis, inspiré par le livre d’Iris Chang (voir article 2 précédent)

 

Le film fut projeté au festival de Sundance, sur quoi les Japonais outrés réalisèrent leur propre version des événements : « The Truth about Nanjing » (南京の真実 ,Nankin no shinjitsu, ou 南京的真实) ; le réalisateur Satoru Mizushima déclara à la sortie du film, un mois avant l’anniversaire du massacre, que « Nanking » était fondé sur les témoignages truqués d’Occidentaux et que  les criminels de guerre japonais étaient des bouc émissaires, morts en martyrs comme le Christ sur la croix pour racheter les fautes du Japon.

 

On comprend mieux dans ce contexte le caractère très novateur du film de Lu Chuan (voir article 1), qui tente pour la première fois de dépasser la polémique en essayant de voir quel a bien pu être le calvaire vécu par les soldats des deux camps. Il semble d’ailleurs que la force du film ait convaincu les autres réalisateurs chinois qui avaient des projets analogues de les abandonner.

 

Deux projets enterrés de réalisateurs de Hong Kong

 

Deux réalisateurs de Hong Kong avaient annoncé en 2007 qu’ils avaient obtenu le feu vert des autorités chinoises de censure pour leur scénario. Le premier est Stanley Tong (唐季), un ancien cascadeur de la Shaw Brothers né en 1960, passé à la réalisation en 1989 après avoir fondé sa propre société de production. C’est l’auteur de films d’action typiques du cinéma de Hong Kong, avec vedettes mythiques pour assurer le succès au box office et suites multiples pour capitaliser sur ledit succès (« Swordsman 2 », « Police Story 3 », etc…). Après son dernier film, « The myth », en 2005, il a annoncé qu’il préparait un projet « ambitieux » sur le massacre de Nankin ; le film devait s’appeler « The diary » (日记) et envisager les événements du point de vue des Occidentaux, d’où le titre qui renvoie au journal tenu par John Rabe. Les vedettes présumées devaient être Chow Yun-Fat, Maggie Cheung et Andy Lau…

 

Le deuxième film annoncé côté Hong Kong était de Yim Ho (严浩), l’un des réalisateurs de la « nouvelle vague » de Hong Kong, dans les années 80. Le site sina.com a annoncé en mars 2007 que le scénario, après révisions, avait été approuvé par le Bureau du cinéma et que le film devait s’appeler « Nanking Xmas 1937 »  南京圣诞1937. Le sujet était identique et le budget itou, autour de 35 millions de dollars.

 

On n’a plus entendu parler ni de l’un ni de l’autre. Mais, ce qui est plus intéressant, c’est le sort du troisième film qu’on attendait, et qui devait être réalisé par .. Zhang Yimou (张艺谋).

 

                Un film de Zhang Yimou mis au placard

 

Le film est resté pendant longtemps entouré du secret le plus absolu, on ne connaissait même pas le titre, on savait juste qu’il devait sortir pour le 60ème anniversaire de la fondation de la RPC. Et brusquement, lors du lancement du film de Lu Chuan, Zhang Yimou est sorti de sa réserve. On sait maintenant que son film devait s’appeler《金陵十三钗》Jīnlíng 13 chāi, un titre plutôt ésotérique assez typique du réalisateur. C’est en fait le titre du livre de la romancière Yan Geling (严歌苓)(1)sur lequel est basé le scénario. Jīnlíng est le nom du collège féminin de Nankin dont la missionnaire Minnie Vautrin avait fait un centre de résistance (voir article 2), et  chāi, qui désigne normalement une épingle à cheveux, signifie ici, par extension, celles qui les portent ; on pourrait donc traduire le titre par « les treize jeunes filles du collège Jinling ».

 

Zhang Yimou a déclaré avoir été surpris, en voyant « Nanjing ! Nanjing ! », de constater que les deux scénarios « se télescopaient » (题材撞车). Bien que, selon lui, les points de vue fussent différents, il a donc décidé de suspendre son projet, en se gardant la possibilité de le reprendre plus tard, après refonte du scénario. Il semble bien que Lu Chuan ait pris tout le monde de court.

 

Sans attendre, cependant, fidèle à lui-même, Zhang Yimou est passé à un autre sujet, totalement différent.

Ce sera l’objet du prochain article…

 

 

(1) Yan Geling (严歌苓)est à la fois romancière et scénariste. Née à Shanghai, elle a commencé à l’âge de douze ans une carrière de danseuse dans une troupe de l’Armée de libération pendant la Révolution culturelle. Elle a servi une dizaine d’années dans l’armée chinoise, y compris en mission au Tibet et comme correspondant de guerre lors du bref conflit sino-vietnamien, en 1979. Elle a commencé à écrire en 1985, avant de partir aux Etats-Unis en 1989, pour étudier au Columbia College, à Chicago. Elle écrit aussi bien en anglais qu’en chinois. Scénariste, elle a adapté certaines de ses nouvelles au cinéma, dont « Xiu Xiu the sent-down girl » (天浴), pour le film réalisé et co-produit en 1998 par l’actrice Joan Chen. Elle est aussi co-scénariste du récent film de Chen Kaige sur Mei Lanfang (梅兰芳ou « Forever enthralled »).

 



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