« The message » : un film d’espionnage, annoncé pour 2010, porté par la rumeur médiatique

Publié le par brigitteduzan

Le titre chinois de ce film est 《风声》fēngshēng, c’est-à-dire ‘le bruit du vent’ (c’était d’ailleurs le premier titre anglais : « The sound of the wind »), et, par extension, une rumeur. C’est bien ce qui l’annonce en effet : une immense rumeur médiatique qui a suscité la curiosité de nombreux cinéphiles, en Chine et ailleurs.

 

Il s’agit d’une nouvelle production de la Huayi Brothers (华谊兄弟), associée au groupe des studios de Shanghai (上影集团). Le film, dont le tournage n’est pas encore terminé (1), a été présenté en mai au festival de Cannes, et diverses photos et informations soigneusement distillées du dossier de presse circulent depuis un certain temps sur internet, alimentant le buzz médiatique. Il faut dire que le film réunit au départ des atouts de taille.

 

Une production qui n’a pas lésiné sur les détails

 

Le film se passe en 1941, pendant l’occupation japonaise. C’est un film d’espionnage, ce qui est assez rare en Chine pour être mentionné. Les producteurs ont fait des efforts particuliers pour reconstituer l’ambiance des années de guerre, et les moindres détails des décors et des costumes ont été soignés ; les costumes eux-mêmes sont signés Timmy Yip (葉錦添), qui fut, entre autres, le directeur artistique du film d’Ang Lee « Crouching Tiger, Hidden Dragon », pour lequel il reçut un Oscar et un British Academy film award en 2001.

 

Le site lui-même a été soigneusement choisi. Il s’agit d’un promontoire rocheux dominant la mer, aux environs immédiats de Dalian. La ville est, en effet, située tout au sud de la province du Liaoning, entre la mer de Bohai et la mer Jaune, au bout de la péninsule du Liaodong, dans une région qui offre de superbes à-pics sur la mer (2). C’est un site qui renforce l’impression de danger imminent que l’on est censé ressentir tout au long du film. Tout en haut est perchée une superbe villa qui semble sortie d’un film de Hitchcock. (3)

 

La Huayi a déclaré avoir engagé, en particulier, des équipes américaines spécialisées dans les prises de vue aériennes. Nul doute que l’aspect visuel sera réussi.

 

Une adaptation d’une nouvelle célèbre en Chine

 

La Huayi a déclaré avoir payé un million de yuans pour les droits d’adaptation de la nouvelle éponyme, 《风声》, deuxième volet d’un livre de Mai Jia (麦家)intitulé 暗算(ànsuàn, c’est-à-dire comploter, conspirer contre quelqu’un).

 

Mai Jia a été pendant longtemps un auteur plus ou moins obscur : né en 1964, engagé à 17 ans dans l’armée chinoise comme beaucoup d’autres à l’époque, il a fait d’abord des études techniques au sein de l’armée populaire, avant d’y obtenir un diplôme d’études littéraires et d’entrer, en 1997, à la télévision de Chengdu comme scénariste. Ce qui l’a rendu célèbre, c’est que sa nouvelle 《风声》a été adaptée à la télévision en 2006, et a connu un immense succès. Du jour au lendemain, le nom de Mai Jia est devenu familier en Chine, de même que sa nouvelle.

 

Celle-ci raconte une histoire sombre d’espionnage sur fond de guerre sino-japonaise, à la fin de 1941. La ville de Nankin est occupée par les Japonais, et un gouvernement fantoche y a été installé, où travaillent divers spécialistes chinois des services secrets. Après plusieurs incidents et des meurtres, il devient clair aux yeux des Japonais qu’un espion travaillant pour la résistance s’est glissé dans leurs rangs. Il s’agit de déterminer de qui il s’agit. Pour cela, un groupe de suspects est appréhendé ; interrogés et torturés, ils réalisent qu’ils ne s’en sortiront que lorsque le coupable aura été trouvé. La tentation est alors grande de clarifier la situation entre eux, pour éventuellement livrer l’intrus et sauver leur peau…

 

Il est certain qu’il y a là un excellent matériau pour une adaptation cinématographique, le succès de l’adaptation télévisée l’a bien montré. Atout supplémentaire, le scénariste est  Zhang Jialu (张家鲁), dont le nom n’est pas très connu, mais qui a été co-scénariste du dernier film de Chen Kaige, celui sur Mei Lanfang, « Forever enthralled ».

 

Un casting hors pair

 

La production a aligné sept des meilleurs acteurs chinois du moment :

-          Zhang Hanyu (张涵予), devenu célèbre après son rôle dans le film de Feng Xiaogang « Assembly », interprète le chef du réseau, Wu Zhiguo (吴志国) ;

-          Huang Xiaoming (黄晓明)joue le rôle d’un espion japonais, sombre et laconique ; heureusement, car l’acteur a dû répéter jour et nuit les quelques lignes de ce qu’il doit dire en japonais ;

-          Wang Zhiwen (王志文)et Ying Da (英达) sont deux membres des services spéciaux soupçonnés ; Ying Da s’est vu ajouter, comme d’habitude, un petit ventre qui va bien avec son visage rondouillet ;

-          enfin l’ancien chanteur de kunqu Alec Su (ou Su Youpeng 苏有朋)interprète un secrétaire de section.

 

Mais il faut bien dire que ce sont les deux interprètes féminines qui attirent surtout l’attention : Zhou Xun (周迅) et Li Bingbing (李冰冰). Elles ont, selon les bruits qui courent, des rôles particulièrement difficiles et prenants, qui comportent des épisodes de torture et de violence. Li BingBing, en particulier, qui est, dans le film, la supérieure hiérarchique de Zhou Xun, a été soumise pendant le tournage à un traitement éprouvant : elle devait, pour la première fois de sa vie, boire et fumer, car son rôle est celui d’une alcoolique en perpétuel état d’ébriété.

 

Quoi qu’il en soit, les deux actrices ont affirmé que c’était (pour l’instant) le rôle de leur vie. Zhang Hanyu, pour sa part, a déclaré regretter de ne pas avoir au moins une scène romantique avec l’une d’elles…  Mais ce n’est pas, a priori, le style du film.

 

Il y a de nombreuses photos du film, sur sina.com par exemple. En voici quatre qui reflètent l’ambiance et la précision de la reconstitution historique :

http://ent.sina.com.cn/m/c/2009-05-20/02272528530.shtml

(à partir du haut :  - Li Bingbing et Zhou Xun (regards acérés comme des lames, dit l’intitulé),

                                -  les trois principaux personnages masculins,

                                - Li Bingbing et Zhang Hanyu,

                                - Su Youpeng.                                                            

 

Et malgré tout quelques questions

 

Cependant, un film vaut avant tout par la qualité de sa réalisation. Or, de ce côté-là, on peut avoir quelques réservations. En effet, le film est co-réalisé par un réalisateur chinois, Gao Qunshu (高群书), et un réalisateur taiwanais Chen Kuo-Fu (陈国富).

 

Réalisateur de films télévisés, Gao Qunshu a réalisé son premier film il y a peu : c’est « Le procès de Tokyo » (4). Nous avons eu l’occasion de manifester quelques réserves sur la valeur de ce film. Quant à Chen Kuo-fu, né en 1954, il a réalisé un premier film en 1989, assez bien reçu par la critique, et un second, « Treasure Island », produit par Hou Hsiao Hsien, qui fut présenté en première au festival de Locarno en 1993. Mais sa notoriété vient de son thriller « Double vision », avec Tony Leung Ka-fai, présenté au festival de Cannes en 2002 dans la section « Un certain regard ».

 

On peut donc espérer que la collaboration de ces deux réalisateurs soit bénéfique : l’un revenu d’un projet sans doute trop ambitieux et revenant vers le genre qui a fait ses premiers succès à la télévision, l’autre, spécialiste du mélange film d’horreur et film de suspense, qui devrait apporter sa touche aux scènes de torture, entre autres.

 

Malgré tout, on ne peut que rester dubitatif en regardant l’affiche qui a été divulguée :

http://ent.sina.com.cn/m/p/2009-05-17/12362523323.shtml     

Elle est en elle-même superbe, avec une atmosphère blafarde à la Hitchcock et une maison sur son promontoire qui rappelle celle de « Psychose ». On peut cependant s’étonner qu’elle détonne quelque peu par rapport à la précision des images du film.

 

Mais ceci est un détail. Ce qui ne laisse pas d’étonner beaucoup plus, c’est le slogan qui figure en haut de l’affiche :  « When humanity is at test, legends are being made. »

Cela ressemble à une mauvaise traduction d’une expression chinoise en huit caractères ; c’est surtout inutilement emphatique s’il s’agit d’un film d’espionnage. Il faut espérer que ce n’est pas révélateur du style du film. Auquel cas le budget le plus mirifique et le plus beau casting du monde ne pourraient le sauver…

 

(1) A priori parce que les principaux acteurs sont actuellement pris sur le tournage d’autres films.

(2) Voir la situation de Dalian sur la carte de Chine :

http://en.wikipedia.org/wiki/File:Location_of_Dalian_Prefecture_within_Liaoning_(China).png

Un exemple de photo de la côte :

http://www.trekearth.com/gallery/Asia/China/North/Liaoning/Dalian/photo95627.htm

(3) Voir la vidéo d’une interview des acteurs et du réalisateur, avec des images du site et de la villa

http://ent.sina.com.cn/m/c/2009-05-17/12312523317.shtml

(4) Voir article du 22 février 2009.



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