Joseph Kuo au festival Paris Cinéma

Publié le par brigitteduzan

Le cinéaste taiwanais était présent avec son collègue et compatriote Tsai Ming-liang pour présenter une rétrospective de quatre de ses œuvres au festival Paris Cinéma (voir article du 24 juin).

 

Né en 1935 à Taiwan, Joseph Kuo a d’abord été scénariste. Son premier travail est le scénario d'un film en dialecte taiwanais. Il passe peu de temps après à la réalisation et devient l’une des figures marquantes de la nouvelle vague taïwanaise. 1968 marque un tournant dans sa carrière, avec « The Swordsman of all swordsmen », l’une des plus grande réussites du wuxiapian taiwanais. Joseph Kuo s’impose alors comme le maître du genre. En 1969, « Sorrowful to a ghost » révolutionne le film de kung-fu en prenant un antihéros comme personnage principal de cette autre histoire de vengeance. Ce film attire l'attention de la Shaw Brothers qui lui propose de venir travailler à Hong Kong. Kuo accepte en 1970, mais n’y reste pas longtemps et repart à Taiwan pour y travailler à sa façon. Réalisateur prolifique, il a quelque 28 films à son actif (outre les nombreux scénarios qu’il a écrits par ailleurs), mais ses meilleurs réussites sont sans doute les films de la série Shaolin, à commencer par les « Dix-huit hommes de bronze », réalisé en 1975.

 

Ce film est devenu un grand classique, et il était justifié de le projeter après « The Swordsman of all swordsmen ». C’est, toujours, une histoire de vengeance : au début de la dynastie des Qing, une famille pro-Ming qui refuse de se rendre est exterminée ; seul survit le fils de la famille, Shaolung, recueilli par sa nourrice, et qui, à quatre ans, est envoyé se former au temple Shaolin pour se préparer à venger son père. Après vingt ans d’initiation, il passe avec succès les épreuves finales et sort enfin, avec son fidèle ami, le frère Wan, qui l’a soutenu tout au long de ces années. Revenu dans son village natal, ayant appris le secret de sa naissance et de la mission qu’il doit remplir, il part à la recherche du général qui a tué son père. Après avoir au passage rencontré la femme (superbe guerrière elle aussi) qui lui a été promise dès l’enfance, il vient à bout de sa mission grâce à l’aide de son ami qui se révèle être le fils du général qui protégeait sa famille et qui, rongé par la remords de n’avoir pu empêcher le carnage, lui avait confié la mission de le venger, lui aussi.

 

Ce film représente un tournant à plusieurs égards, tant dans l’œuvre de Joseph Kuo que dans le film de kung-fu en général. Il a révélé Carter Wong (dans le rôle de frère Wan), ainsi que Polly Kwan (dans le rôle de la guerrière vaguement androgyne promise à Shaolung), qui commençaient dans ce film une longue collaboration avec le réalisateur. Surtout, si les chorégraphies sont encore réalisées avec très peu de trucages dans la réalisation des figures, le plus réussi pour les fans de kung-fu tient dans les scènes où les deux héros doivent affronter les dix-huit hommes de bronze pour parfaire leur initiation, chacun représentant une épreuve particulière. En mettant en exergue l’entraînement des jeunes combattants dans des scènes qui occupent les trois quarts du film, Joseph Kuo a initié là toute une vague de films  « Shaolin » tournés les années suivantes à Hongkong, à commencer par « The 36th Chamber of Shaolin », film-culte réalisé deux ans plus tard par Lau Kar Leung pour la Shaw Brothers.

 

18 bronzemen :  l’une des épreuves  http://www.youtube.com/watch?v=L8dGIcDLjl8

36th chamber : l’entraînement http://www.youtube.com/watch?v=cJ1XgxooqEg&feature=related

 

Le film de Joseph Kuo peut sembler très long aux non-initiés, surtout après la vague des wuxiapian initiée par Ang Lee, la légèreté aérienne de leurs chorégraphies et leurs scénarios plus étoffés. Mais c’est certainement un film précurseur, un film qui a marqué son époque.

 

C’était justement la teneur principale de l’intervention personnelle de Tsai Ming-Liang, qui accompagnait Joseph Kuo : rendant un vibrant hommage à son collègue et compatriote, il a dit combien ses films l’avaient enthousiasmé, et en particulier « The Swordsman of all swordsmen » qu’il a vu quand il avait dix ans, au point qu’il en gardait toujours le souvenir vivant et ému.

 

Joseph Kuo, quant à lui, dans une langue vigoureuse et une expression aussi concentrée que s’il se préparait à un combat de kung-fu, a évoqué ses débuts à Taiwan, dans des films « de terroir », son amour du scénario, son souci de toujours se renouveler, toujours inventer. Il a expliqué ses longues années de silence par son refus de continuer un métier menacé par la montée du piratage, mais déclaré qu’il avait envie aujourd’hui de revenir à la réalisation – et de le faire en collaboration avec son confrère taiwanais.

 

On comprenait ainsi la raison de leur présence simultanée à cette rétrospective : il ne nous reste plus qu’à attendre le film annoncé qui, connaissant la créativité des deux, sera certainement une autre œuvre marquante et très personnelle dont on espère bientôt avoir la primeur.

 



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H
Ou tu fais dans la surenchère marketing, ce qui est pire
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