« Hawthorn tree forever » : le prochain film de Zhang Yimou
« Hawthorn tree forever » (《山楂树之恋》) est resté longtemps un secret bien gardé, autour duquel couraient bien des rumeurs. On avait fini par lappeler « le mystère de laubépine » ("山楂迷"). On savait juste, depuis plusieurs mois, quil sagissait dune histoire damour pendant la Révolution culturelle, le film étant adapté dun bestseller de la romancière Ai Mi (艾米), que les deux acteurs principaux devaient être des inconnus (1), et, plus récemment, que le tournage avait commencé, le 16 avril, dans le district de Yichang, dans le Hubei. Il est actuellement en post-production.
La sortie en Chine est maintenant annoncée beaucoup plus tôt que prévu, le 16 septembre prochain, pour des raisons stratégiques : éviter la sortie en même temps que celle de grosses productions, prévues un peu plus tard, début octobre, au moment de la Fête nationale. Quelques détails ont donc été dévoilés, à petites doses pour maintenir le suspense, mais on sait en particulier qui sont les acteurs finalement choisis, et quelle tête ils ont.
Le scénario
Le scénario est effectivement adapté du roman éponyme dAi Mi, dabord diffusé sur internet où il a connu un succès foudroyant, avant de devenir un succès de librairie, en 2008 ; ladaptation est co- signée de lécrivain et réalisatrice Yin Lichuan (尹丽川) et du scénariste Gu Xiaobai (顾小白).
Lhistoire débute vers 1975. Jingqiu (静秋) est une toute jeune étudiante, membre dun groupe envoyé à la campagne pendant la Révolution culturelle pour collecter des histoires populaires traditionnelles. Elle arrive ainsi dans le village de Xiping (西坪村) où elle est hébergée par le chef de village. Elle y fait la connaissance dun jeune garçon aussi sympathique que compétent, membre dune équipe de géologues qui fait des recherches dans la région : Lao San (老三). Jingqiu est complexée par ses « mauvaises origines de classe » (ses parents étaient des propriétaires terriens), mais Lao San lui redonne confiance en elle. Ils tombent évidemment amoureux.
Sa mère, cependant, nest pas favorable à cette union : Jingqiu est encore en période probatoire, en raison de ses origines de classe ; il lui faut faire ses preuves pendant encore une année avant de pouvoir être nommée institutrice. Tout problème risquerait de ruiner sa carrière et son avenir. Cest cela qui inquiète sa mère, elle-même ancienne enseignante, démise de ses fonctions et réduite à coller des enveloppes avec ses enfants pour survivre.
Elle convainc donc Lao San de seffacer pour le bien de Jingqiu. Finalement, Lao San étant tombé malade, atteint par une leucémie, celle-ci ne le reverra que sur son lit de mort. Dans une séquence aussi mélodramatique quimprobable, il lui jurera alors de lattendre pour léternité
Tout le monde sait bien que Zhang Yimou ne prend en général que la trame dun récit et ladapte à son gré ; personne Su Tong, Mo Yan ou autres - ne sen est jamais formalisé jusquici. Mais ladaptation, cette fois-ci, na pas été du goût dAi Mi qui a lancé toute une polémique sur son blog, sur internet, contestant les choix faits par Zhang Yimou, et en particulier ceux des acteurs.
Les acteurs
Il est vrai, cependant, quune telle histoire peut facilement tourner au mélo larmoyant, et quune façon déviter cet écueil est de choisir des acteurs inconnus, qui ne focalisent pas lattention des spectateurs sur une image déjà toute faite, éliminant ainsi le vedettariat qui aurait pu accentuer le côté popu(laire). Lattention sera au contraire forcément concentrée sur les qualités intrinsèques du film, et en particulier la mise en scène et la photo, points essentiels chez Zhang Yimou. Son ami et producteur Zhang Weiping (张伟平) la bien martelé lors dun entretien diffusé sur CCTV6 : ce ne sont pas les acteurs qui sont le plus important, cest le réalisateur.
Les deux acteurs principaux ont cependant été choisis après une longue et minutieuse recherche dans toutes les écoles de Chine, comme toujours chez Zhang Yimou.
Lactrice principale a 19 ans et sappelle Zhou Dongyu (周冬雨) ; elle est originaire du Hebei, mais lassistant de Zhang Yimou la trouvée dans une école de danse de Nankin. Elle aurait la grâce et la pureté requises pour le rôle. Lacteur principal, Dou Xiao (窦骁), est un Chinois de 21 ans, originaire de Xian, émigré au Canada à lâge de dix ans, mais récemment revenu à Pékin pour entrer à lAcadémie du Film où il apprend le métier dacteur. Ni lun ni lautre ne sont donc (encore) professionnels.
Photos des deux acteurs http ://dailynews.sina.com/bg/ent/film/sinacn/20100802/13171704500.html
Les autres acteurs, sont, eux, des professionnels, connus et populaires ; citons Li Xuejian (李雪健), un fidèle de Zhang Yimou qui a joué dans « Happy Times », « Shanghai Triad », etc , Sun Haiying (孙海英) , qui fut, par exemple, en 2005, lépoux de Joan Chen dans le « Sunflower » (《向日葵》) de Zhang Yang (张扬) ou encore Xi Meijuan (奚美娟) que son rôle dans « The Joy Luck Club » a rendue très populaire. Ce sont donc les rôles secondaires qui apportent la touche de vedettariat nécessaire pour attirer le public.
Un compromis entre film dauteur et film commercial
La tentation est évidemment de comparer « Hawthorne tree » au film précédent : « A simple noodle story » (《三枪拍案惊奇》), renommé pour sa sortie aux Etats-Unis « A woman, a gun and a noodle shop » (2). Les critiques les ont opposés en qualifiant « A simple noodle story » de vulgaire ou du moins bassement populaire (低俗) et lautre de pur (清纯). Ce nest pas aussi simple que cela.
Zhang Weiping a expliqué que « Noodle story » était pour eux un film expérimental (探索片). En Chine, pour linstant, il a répondu à leurs attentes : le public était au rendez-vous.
Maintenant, il sagit délargir lexpérience pour voir comment on peut concilier les exigences artistiques dun film dauteur, un film artistique (文艺片) et celles dun film commercial, cest-à-dire essentiellement assurer le retour sur investissement. Cest la clé du futur du cinéma, en Chine et ailleurs. Pour cela, Zhang Yimou a choisi une histoire damour à faire pleurer Margot, extrêmement populaire, qui attirera certainement le grand public. Tout le génie de Zhang Yimou sera dès lors den faire une uvre dart, en gommant sans doute laspect mélo.
On ne peut sempêcher de penser au film de 1999 « The Road Home » (《我的父亲母亲》) où Zhang Yimou, à partir, aussi, dune simple histoire damour, est parvenu à traiter en filigrane des sujets bien plus profonds, le poids de la tradition et des coutumes en particulier.
Avec un budget de 70 millions de yuans (un peu moins de sept millions deuros), il va falloir soigneusement doser les aspects esthétiques, artistiques et commerciaux
Notes
(1) Voir sur ce blog larticle du 29 décembre 2009
(2) Voir article du 13 août dernier.